Mardi 22 juillet
Je suis à J+1 et cette grossesse commence à me peser. Je suis en forme physiquement mais j’ai des angoisses récurrentes : j’ai des pertes de liquide fréquentes et je ne sais jamais si c’est une fissure de la poche ou des pertes vaginales. Plusieurs contrôles ont montré que ce n’était pas une fissure mais chaque jour me fait douter
…
Et puis, j’ai toujours en tête ce qu’on m’avait dit pour Ysaline : « symphise basse, il faut faire un scanner du bassin », scanner que je n’avais pas fait car ma puce est arrivée 1 mois avant terme et est donc passé sans problèmes. Du coup j’appréhende de dépasser le terme et de faire un bébé trop gros :/ …Ceci dit, ni la maternité ni Marie-Ange n’ont fait d’examens du bassin ni proposé de scanner ou de radio. Donc j’essaie de me raisonner en me disant que je me fais des films.
Bref, je tourne en rond, je poste sur des forums, je m’ennuie …J’ai quelques contractions dans l’après-midi durant 1 heure environ mais rien de bien méchant, et même moins fort que les jours précédents.
17h15 : Hervé me propose d’aller chercher Ysaline chez la nounou. J’accepte, je vais en profiter pour prendre une douche. J’ai envie de m’asseoir sous la douche donc je monte à l’étage pour me mettre dans la baignoire. Je m’installe et je me douche assise, tranquille.
J’entends Hervé qui part. Dès qu’il a fermé la porte, une vague d’émotion me submerge brutalement … Je me mets à pleurer, à sangloter en répétant « pourquoi tu me fais ça bébé ? Pourquoi tu me fais ça ? ».
Et là, brutalement, une douleur violente en bas du ventre, au-dessus du pubis, comme un coup de poignard. Ce n’est pas, ça ne peut pas être une contraction ! C’est trop localisé, trop violent.
Je sors de la baignoire, j’enfile mon peignoir … et à nouveau cette douleur brutale qui me plie en deux. Je vais dans la chambre préparée pour le bébé. Il y a un matelas par terre au pied du grand lit. Je décide de m’installer là pour voir ce qui se passe.
La douleur revient fréquemment mais je n’ai pas de montre donc impossible de savoir tous les combien. Mon téléphone est resté en bas et je n’envisage pas une seconde de descendre le chercher, trop dur, trop loin …
Je prie pour que mari revienne vite, pour que la nounou ne discute pas avec lui durant des heures …
Enfin, il revient !!! Je lui dis de m’apporter mon téléphone, que j’ai trop mal, que ce n’est pas normal et que je veux que Marie-Ange (notre sage-femme) passe.
Il m’amène le téléphone, Ysaline monte avec lui. Je suis en T-shirt, les fesses à l’air, à 4 pattes sur le matelas, appuyée sur le lit devant moi.
Hervé commence à me masser les jambes et Ysaline l’aide
…
17h50 : J’appelle Marie-Ange et je lui dis que j’ai des douleurs très violentes et que ce serait bien qu’elle passe. Elle me dit qu’elle arrive. J’appelle mon amie Isa qui doit venir s’occuper d’Ysaline. Je lui dis que je la rappellerai quand la sage-femme m’aura examinée afin de savoir si c’est ça ou pas … J’ai décidément du mal avec les contractions de travail car pour Ysaline, j’ai mis 3 heures à réaliser que j’avais bien des contractions ! Isa qui me connaît bien décide d’anticiper et de venir tout de suite sans attendre mon 2e appel.
J’en profite pour regarder la fréquence de mes douleurs : elles reviennent toutes les 3 à 4 mn environ.
Je jette le téléphone : il faut absolument que je lache prise, sinon je vais devenir folle !
J’essaie de souffler, de me détendre entre chaque contraction, je ferme les yeux … Je n’ai pas changé de position, je suis bien comme ça, enfin bien, façon de parler …
Hervé est derrière moi, il commence à me masser le dos mais j’ai besoin qu’il soutienne mon ventre. Je n’arrive pas à retrouver cette ampleur, cette « extension » de la douleur à tout le corps qui m’avait tant aidée pour Ysaline … Chaque contraction est infernale, j’ai le ventre qui se tord et j’ai du mal à me détendre totalement une fois la contraction passée. Je souffle le plus possible pendant les contractions en essayant de « faire sortir l’air » par là où ça fait mal (technique de yoga). Hervé est toujours derrière moi, mes fesses sont appuyées sur son bassin et il soutient mon ventre avec ses mains. De temps en temps il me parle (des exercices d’hapto, il me parle de l’ascension du col de la Bonnette et des efforts qu’il faut faire et de la magnifique descente vers la vallée du Var et Nice …) mais je n’aime pas ça. Je lui demande de se taire.
Marie Ange arrive vers 18h30. Elle installe ses affaires sans même m’examiner, elle a compris tout de suite, rien qu’à me voir
…Hervé a installé Ysaline devant la télé le temps qu’Isa arrive.
Au bout d’un moment, Marie-Ange me demande si je veux bien qu’elle m’examine. J’hésite … J’ai tellement mal que je sais que, selon ce qu’elle va m’annoncer je vais prendre un terrible coup au moral. Mais j’accepte, j’ai besoin de savoir malgré tout.
Il doit être environ 19 heures. Je m’allonge sur le matelas posé par terre, elle commence à m’examiner : « col à 4 cm, effacé, la poche bombe bien, le bébé est encore un peu haut ». Une contraction arrive, elle n’a pas le temps de se retirer, clac, la poche se rompt … « Désolée » me dit-elle « je ne l’ai pas fait exprès » …
Je saurai plus tard qu’elle a eu son 1er coup de stress de la soirée car le liquide était teinté (méconium) … Elle a failli nous le dire puis s’est ravisée, décidant qu’elle nous demanderait de partir à la maternité si le travail n’avançait pas assez vite.
Je suis un peu anxieuse de cette annonce. Je sais que pour un 2e, un col à 4 annonce seulement le début du travail :/ …
Je me remets à 4 pattes sur le matelas, plus le temps passe et plus j’ai besoin d’écarter les jambes, presque en grand écart, je me redresse un peu entre chaque contraction. Mais elles sont tellement rapprochées que je ne peux plus, je pense qu’il y en avait une à chaque minute environ.
La douleur est toujours poignante, violente, dure …
Hervé, qui était resté près de moi, part dans la salle de bain et revient avec des serviettes de bain qu’il a trempées dans l’eau très chaude. Il me dit « je vais essayer un truc, tu me dis si ça te convient ». Il me met la serviette sur le ventre ; je trouve ça formidable, ça me détend ! (il a bien potassé son Isabelle Brabant car il a pioché cette idée dans le livre
!).
Du coup, il ne va pas cesser de mettre des serviettes chaudes, les changeant à chaque contraction.
Souffler ne suffit plus, je dois gémir à chaque contraction, des sons graves qui m’aident un peu si tant est qu’on puisse m’aider. Rapidement, même les gémissements sont insuffisants et je commence à crier vraiment. Je pleure entre chaque contraction en disant « non ! non ! non ! ». Puis je revois ma prof de yoga dire « dites oui quoi qu’il arrive. En disant, vous contractez, vous fermez. ». Je réussis à cesser les « non » mais je pleure toujours. J’ai 2 questions qui tournent en boucle dans ma tête: « pourquoi ? pourquoi ? pourquoi ? » et « Mais qu’est-ce que je fais là ? » …
Je n’en peux plus, je veux que ça cesse, n’importe comment … Et pourtant au fond de moi, je sais que ce n’est que le début.
Je suis écrasée sur le matelas, à genoux mais les jambes très très écartées. Je sens que mon sacrum s’ouvre. Je me dis que bébé a peut-être commencé sa descente … Un espoir si mince soit-il est toujours bon à prendre ! Je n’ai la force ni la possibilité de dire quoi que ce soit à Marie-Ange … Quelques minutes plus tard, elle demande à m’examiner : elle est inquiète à cause du liquide teinté – mais ne nous le dit pas - et veut voir où j’en suis afin de décider d’un éventuel transfert à la maternité.
Il doit être environ 19h15 / 19h20.
Sur le coup, je ne réalise pas mais je viens de passer de 4 cm à 10 en 15 à 20 mn :o …Je ne m’étonne plus de la violence des contractions, ni de leur proximité …
Marie-Ange me propose de rester allongée sur le côté gauche, la jambe droite posée sur le lit au-dessus de moi. Je me cramponne au cadre et aux lattes du lit quand une contraction arrive et je pousse en tirant sur mes bras et en criant très fort.
Les contractions sont un peu plus espacées et me laissent un peu de répit … Entre 2, je répète en boucle « oh putain … oh putain … oh putain … ». J’ai l’impression que ça ne va jamais finir …
Je pousse couchée sur le côté mais j’ai l’impression que c’est coincé, que ça n’avance pas …Hervé est à genoux près de moi, penché sur moi, il me parle mais je ne me souviens pas de ce qu’il me dit.
Marie-Ange me fait allonger sur le dos et écoute le cœur du bébé. J’entends les sons et j’ai l’impression qu’il est lent. Je veux lui poser la question mais je n’en ai pas le courage. Parler me demande trop d’efforts …Elle m’examine à nouveau … et se fait une nouvelle frayeur (dont elle ne nous parle pas non plus pour éviter le stress inutile) : elle sent les os de la tête et ils se chevauchent beaucoup. Ca veut dire que mon bassin est effectivement étroit :/ …
Je me remets sur le côté. Marie-Ange me dit « allez, il faut qu’il sorte maintenant ! ». Je pousse en hurlant mais je sens bien que ça n’avance pas. Je ne sais pas si j’ai senti son stress mais d’un seul coup, j’ai en tête l’image de la sage-femme à la maternité qui après mon 1er accouchement m’avait dit « avec votre bassin, à terme, pas sur que ça passe … ». Et là, c’est la panique ! J’ai la trouille ! Je pousse à nouveau mais ça n’avance pas.
Marie-Ange me demande si je veux essayer une autre position, je ne peux que répondre « je sais pas, je sais pas … ». Elle dit alors à Hervé d’un ton sans réplique « Mets-la debout !!! ». Elle ne veut pas attendre, il faut que ça aille vite maintenant. Hervé me soulève sous les aisselles. Il se tient derrière moi, les genoux pliés (position de la chaise pour celles qui connaissent
…). Je suis donc légèrement accroupie, suspendue à lui. Je pousse en hurlant, ça descend un peu. Après la contraction, il s’assoit sur le lit pour se reposer (70 kg + l’énergie de la poussée, ça tire !), je reste accrochée à ses bras.
La contraction arrive, il se relève, je pousse, je hurle toujours. Marie-Ange a mis sa main, elle cherche à attraper la tête dès qu’elle pourra … Je pousse, Marie-Ange me dit « non, pas comme ça ! Tu ne pousses pas en bas, tu peux mieux faire !!!! Allez, sur mes doigts ! ». Je reprends mon souffle et je recommence à pousser …Oui, là c’est mieux, je le sais.
Je pousse encore sur les 2 ou 3 contractions qui vont suivre en hurlant sur l’expiration, en y mettant toutes mes tripes. J’ai l’impression que je vais exploser … Je n’ai plus mal comme pendant le travail, je préfère cette sensation, même si c’est encore très difficile …C’est plus ample, plus « plein » et ça me permet d’y mettre tout mon corps, ce qui me soulage. Crier m’aide beaucoup, ça me permet de faire descendre le diaphragme et de mieux pousser …
Soudain, Marie-Ange dit à Hervé : « c’est bon pose-la … » en plein milieu d’une contraction, je pousse encore … Qu’est-ce qui se passe ? Puis Marie-Ange me dit « c’est bon, arrête de pousser maintenant … le voilà … ». Je sens la tension de mon périné s’apaiser progressivement, la tête est sortie, le reste suit, glisse, fluide, doux et chaud … Mon bébé est là !!!!
Marie-Ange me le tend, je l’attrape et je le pose sur mon ventre. C’est fini, il est 19h40 …
Elle pose une serviette sur nous, essuie un peu le bébé.
Au bout de quelques minutes, je demande à Hervé : « au fait, fille ou garçon ? » … C’est un p’tit gars !
Hervé va chercher Ysaline qui a demandé d’elle même à Isa à aller se promener dans la jardin où elles ont chanté des chansons. Ysaline arrive et dit « oh bébé !!! ». Elle s’assoit à côté de moi et touche le bébé, toute surprise.
Vivien ne cherche pas encore à têter mais j’ai les seins à l’air donc Ysaline en profite « têter moi ». Marie-Ange qui attend l’expulsion du placenta lui répond « oui c’est une bonne idée, ça nous aidera ! »
…
Ysaline prend donc une petite têtée sur chaque sein.
Hervé coupe le cordon.
Le placenta sort qq minutes après. J’ai une belle déchirure, « aussi nette qu’une épisio » dixit Marie-Ange. Elle veut me faire les points tout de suite mais elle a oublié l’anesthésiant :/ … On essaie quand même, mais ça me fait trop mal, je n’ai plus envie de ça, j’ai envie d’être tranquille …Elle reviendra le lendemain pour recoudre (5 points quand même) et même avec l’anesthésie (ce sont surtout des muqueuses qu’il faut recoudre et l’anesthésie ne fonctionne pas très bien sur la peau et les muqueuses), ça fait mal :/ …Le lendemain, j’aurais aussi des courbatures !
L’impression d’avoir couru un marathon (mais y a un peu de ça
…) … et surtout très très mal à la gorge (j’ai crié bien plus et bien plus fort que je n’en ai l’impression
…) …
Nous sommes bien, dans la chambre de Vivien, en famille. C’est l’apaisement après l’ouragan qui nous a submergé durant les minutes qui ont précédé. Je ne sais pas comment décrire cette atmosphère très particulière …C’est un moment merveilleux, extraordinaire de calme et de sérénité.
Mon bébé pèse 3,3 kg et mesure 52 cm, un beau poupon tout en longueur (on est obligé de lui mettre des couches pour prémas car il nage dans les couches naissance malgré son poids !). Il va bien. Il a têté environ 1 heure après la naissance, comme un chef. Il trouve le sein seul, pas besoin de le « mettre au sein » en reniflant et en fouissant avec sa tête.
Il est resté en peau à peau avec moi puis avec son papa durant plusieurs heures et a dormi sur moi la 1e nuit. Il n’a été ni aspiré, ni sondé, ni baigné. Il n’a subi absolument aucun geste médical jusqu’au lendemain.
Avec le recul – et même si on ne peut pas présumer de ce qui se serait passé dans un autre contexte – je pense que le fait d’accoucher à la maison m’a permis de donner naissance à mon bébé « normalement » : je ne suis pas sure que j’aurais pu sortir mon bébé en restant allongée sur le côté et nous n’aurions pas pu nous mettre debout comme nous l’avons fait. Il est donc possible que cela se serait terminé au mieux avec les forceps ou la ventouse et au pire en césarienne …
Pour moi, cet accouchement a été extraordinairement violent. Celui de sa sœur était intense mais, c’était un cran au-dessus, à la limite du supportable. Je me dis encore qu’il faut vraiment être malade pour vouloir vivre ça :fou : … et en même temps, c’est d’une intensité incroyable et tellement fort émotionnellement …